Il est courant que les freelances débutants s’interrogent sur les tarifs pratiqués parmi les travailleurs indépendants.
C’est un questionnement légitime : à profession égale, les TJM moyens des freelances excèdent largement la rémunération habituelle des salariés.
Cependant, il faut aller plus loin que ces chiffres bruts. Le statut d’indépendant n’est en aucun point comparable avec les avantages du salariat. Les tarifs des freelances permettent notamment de compenser l’absence de congés payés et de RTT, de tenir compte du temps passé sur des tâches non-facturables, ou encore de couvrir les dépenses professionnelles.
Si tu débutes dans le monde du freelancing, il est indispensable de te rendre compte de tous ces paramètres pour fixer correctement tes tarifs et t’assurer d’être rentable.
Pour y voir plus clair, l’équipe de Freebe retrace aujourd’hui pour toi ce qui se passe entre l’encaissement de ton chiffre d’affaires et le versement d’une « rémunération nette » sur ton compte bancaire. Cela te permettra de voir, concrètement, ce qui « rentre dans ta poche » une fois toutes tes charges déduites.
Prenons l’exemple d’un freelance auto-entrepreneur facturant 400 € HT par jour pour des prestations de développement web.
Avant toute chose, si tu es soumis à la TVA, il est important de bien faire la différence entre le chiffre d’affaires TTC et le chiffre d’affaires HT.
Depuis 2018, les micro-entrepreneurs peuvent tout à fait être redevables de la TVA s’ils dépassent certains plafonds de chiffre d’affaires. Le chiffre d’affaires de l’auto-entrepreneur peut alors être entendu HT, ou TTC.
Le chiffre d’affaires TTC ne revient pas en totalité au freelance.
L’auto-entrepreneur qui collecte la TVA pour l’État ne touche jamais cet argent-là. C’est pour lui une opération neutre sur le plan économique : il n’est qu’un intermédiaire de collecte.
En clair : l’auto-entrepreneur redevable de la TVA facture 480 € TTC par jour à son client. Il ne conserve que 400 €, et redonne 80 € à l’État. Ces 80 € ne sont pas un bénéfice : tu collectes simplement la TVA pour le compte de l’État.
Bien sûr, il faut négocier ton JTM hors taxes avec ton prospect. Les entreprises collectent et déduisent la TVA, donc elles se fichent bien que tu en sois redevable. Tout doit se négocier HT.
Un TJM de 400 € serait extrêmement intéressant si le freelance pouvait le facturer 300 jours par an… Ce qui est largement utopique.
On considère que le freelance travaille en moyenne 220 jours sur une base de 5 jours par semaine, après soustraction des week-ends, des congés et des repos maladie. Globalement, c’est la même chose que pour les salariés.
Problème : il est impossible qu’un freelance facture 100 % de son temps de travail.
Être à son compte, c’est gérer l’administratif, communiquer, gérer les demandes de contact, se former, préparer et assister aux rendez-vous… Toutes ces tâches-là ne sont pas facturables telles quelles à tes clients.
On considère généralement que le freelance ne passe que 60 % de son temps de travail sur des tâches facturables. En reprenant notre petit calcul, cela fait 130 jours facturés par an. Le TJM doit nécessairement être compensé !
C’est l’une des raisons pour lesquelles il n’est pas possible de comparer la rémunération d’un salarié avec le chiffre d’affaires d’un freelance. Cela n’a tout bonnement rien à voir.
En tant qu’auto-entrepreneur, tu dois payer des charges sociales et l’impôt sur le revenu sur ton chiffre d’affaires HT.
Les charges sociales sont payées tous les mois ou trimestres et calculées sur le chiffre d’affaires de la période précédente. Elles sont de 12,8 % pour une activité de vente, et 22 % pour une activité de service.
Ainsi, sur la base d’un TJM de 400 €, tu paies 88 € de charges sociales.
À cela s’ajoute la formation professionnelle et, le cas échéant, les frais de chambre. On les laisse de côté pour simplifier notre exemple.
Tu paies également de l’impôt sur le revenu au même titre que les salariés, même si cela ne s’effectue pas selon les mêmes modalités. Deux situations sont ici possibles :
Pour mieux comprendre, on t’invite à lire notre article sur le versement forfaitaire libératoire.
Dans le cadre de notre exemple, pour plus de simplicité, on considère que notre freelance a opté pour le versement forfaitaire libératoire au taux de 2,2 %. Sur un TJM de 400 €, l'impôt s’élève alors à 8,8 €.
L’impôt sur le revenu n’est pas le seul impôt à payer lorsque l’on est auto-entrepreneur. La CFE, un impôt local payé par les entreprises, doit en principe être réglée à la fin de chaque année.
On évoque la question des charges professionnelles après celles des impôts pour une bonne raison : les charges ne sont pas déductibles au réel en micro-entreprise. Cela signifie que tu ne peux pas déduire de ton assiette imposable le prix de ton nouvel iMac ou de ton abonnement à la suite Adobe.
Les dépenses professionnelles peuvent rapidement atteindre un montant significatif, surtout si tu travailles à l’extérieur. Compte par exemple environ 300 € mensuels pour un poste dans un coworking.
Les dépenses affectées au lieu de travail ne sont pas les seules à prévoir. Mutuelle, formations non remboursables, matériel, logiciels… La facture peut être salée, mais ne peut pas être déduite de l’assiette des charges sociales et fiscales.
Cette affirmation n’est cependant pas tout à fait vraie : le montant de l'impôt est censé tenir compte de l'existence de charges. Ainsi :
En outre, lorsque tu deviens redevable de la TVA car tu as dépassé le seuil de chiffre d'affaires, tu gagnes le droit de récupérer la TVA sur tes dépenses professionnelles. Cela te permet de récupérer jusqu'à 20 % de ton investissement !
Tu l’auras compris : un freelance affichant un TJM de 400 € gagne en réalité bien moins que cela.
Si l’on considère qu’il travaille 130 jours par an :
Il faut ajouter à cela les désavantages non quantifiables - ou difficilement - du statut d’auto-entrepreneur : protection sociale amoindrie, retraite peu avantageuse, revenus irréguliers…
Ces écueils rendent d’ailleurs indispensable la constitution tous les mois d’une épargne de secours.
Il est donc très important de fixer des tarifs supérieurs à ton seuil de rentabilité, c’est-à-dire le seuil de recettes te permettant de couvrir tes charges.
Petite astuce pour être sûr de bien prendre en compte tes charges en fixant tes tarifs : additionne le montant de tes dépenses professionnelles mensuelles (téléphone, Internet, logiciels...), divise-le par le nombre de jours facturés dans le mois, et incorpore-le dans ton TJM.
Il en va de ta survie en freelance : une entreprise non rentable est une entreprise qui ne peut pas se développer.
N'hésite pas à faire tes propres calculs pour vérifier que tes tarifs sont suffisamment hauts pour te permettre de vivre une fois tes charges payées.